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laroque des albères - Page 9

  • tramontane

    Julio Cortazar a écrit des choses terribles sur la tramontane

    comme ont dû la maudire les réfugiés de la retirada de l'hiver 1939

    parqués sur les plages d'Argeles ou de St Cyprien

    pour ma part modestement cette contribution animiste

     

    le vent les premiers vents d'hiver

    la tramontane froide qui pousse ses rafales

    elles s'annoncent à l'avance

    le mugissement va crescendo les feuilles s'abandonnent

    et dans la forêt on dirait la mer

    exactement

  • ode à Lulu

    ce soir j’ai croisé le météorologue sur la passerelle de la Florentine c’est marrant j’entendais comme un bruit de moteur et ça c’est arrêté là il montre le mince filet d’eau pauvre rivière de Novembre peut-être que j’ai trop bu ah ça vous fait rire puis parlant à son chien t’as neuf ans tu deviens con il paraît qu’il va pleuvoir demain enfin ça dit pas la même chose soit il pleut soit c’est du vent c’est toujours comme ça quand on se croise au passage il me tend son bras musclé comme un tronc allez bonsoir car tout cela se passe autour de minuit en fait

    je voulais parler de Lulu

    Jaja ou Jésus, Jean-Luc c’est son prénom, arrivé au milieu des 70’ s avec son frère et la vague hippie communautaire qui pour un temps repeupla les montagnes mais eux c’était tendance bab destroy Jean–Luc c’est une barbe de pirate et des cheveux jusqu’au bas du dos et roux sur un corps sec et maigre, trop maigre survivant du RMI et de quelques rangées de haricots il a finit par s’installer depuis quelques années dans une cabane de jardinier au-dessus de son potager son magnéto-cassette passe en boucle du blues des 60’ de chez lui on voit même la mer, avec ses chèvres et son bouc Lulu c’est un vieillard de 58 ans sautillant sur ses pattes grêles une sorte d’elfe des jardins

  • bonheur nocturne

    au-dessus des murs semés d'étoiles

    le dégueulis de l'eau les clarines

    des vaches perdues dans la forêt proche

    la ligne noire des arbres monte à l'assaut

    et Vénus marque la lune,

    bonheur nocturne

    il ne manque que la chouette modale

    qui bandait ses notes

    Hé Coltrane !

  • les sauvages

     

     

    j’étais dans la châtaigneraie au-dessus de la maison à descendre le bois coupé ces dernières semaines

    nous ne sommes pas très nombreux à faire ce boulot là je ne sentais pas le froid

    nettoyer le sous-bois soigner les arbres effacer les blessures de la tempête de Janvier éclaircir élaguer couper ces bruyères et ces genets qui savent si bien se transformer en torche le moment venu retarder ce moment

    les châtaigniers sont malades les vieux ceux qui n’ont pas été coupés depuis la dernière guerre cette forêt est vierge depuis cinquante ans c’est à cette époque que nombre de mas ont été abandonnés leurs habitants cédant à l’appel de l’électricité et de l’eau chaude

    le bois de châtaignier servait alors à la construction parquets charpentes linteaux mais aussi piquets de clôture tonneaux les arbres n’avaient pas le temps de devenir vieux

    et les sécheresses à répétition de ces dix dernières années l’ont fragilisé plus de force pour se battre contre les insectes les maladies chancre encre alors il faut couper cela donne de la vigueur aux rejets qui repartent du pied et s’occuper d’eux

    supprimer les chétifs les tordus ce monde est sans pitié mais si ce travail n’est pas fait la souche se dessèche puis meurt à son tour et plus rien ne repousse

    la vue d’un châtaignier mort me désole son tronc nu et presque blanc ses branches réduites à des perches acérées comme des griffes

    alors je m’occupe d’eux j’aime ça et puis le travail dans les bois est une psychanalyse

    je pensais au tallats i sembrats la coutume ancestrale qui autorisait les villageois à défricher et à semer

    à la tradition de la barra qui consistait à ramasser le bois mort pour se chauffer et que par ici seul le météorologue continue de pratiquer il faut le voir à plus de soixante ans passés remonter chaque soir la côte vers les remparts avec un tronc de châtaignier porté sur l’épaule

    pourquoi avons-nous quitté les bois comme des marins tourneraient le dos à la mer

    et je jetais mes bûches dans la pente lorsqu’un groupe de randonneurs est passé à quelques mètres au-dessus par le chemin ni bonjour ni merde de quel côté était le sauvage

     

  • l'été

    sur mon cheminDSCN0033.JPG je rencontre souvent le barbu, c'est un météorologue, de son perchoir en haut du village il en connait un rayon sur les nuages

    cette fois-çi il est perdu

    là sur ce coup je connais pas c'est nouveau

    il n'arrive plus à lire les vents n'en font qu'à leur tête celui du Sud surtout qui arrive sans prévenir

    chaud et sec un souffle d'incendie

    tiens hier à minuit il faisait encore 32° avant ça arrivait de temps en temps, maintenant...

    non ça je ne connais pas

    je l'écoute, nos cigarettes se consument

    quelques vers luisants, le Sol flûté des crapauds obstinés on entend même une guitare en espagnol

    c'est l'été à Laroque